Une façon comme une autre de se détendre... [BEVERLY]

Valencia était une ville où la vie était facile, peu chère - forcément, nous sommes coupés du monde alors notre économie est moins bien amorcée -, et on ne s'y ennui jamais, ou presque... Disons que si l'ennui nous vient, on a qu'à se chamailler avec un surveillant pour que la garde rapplique. Il ne faut pas avoir peur de se recevoir des coups et d'être puni ne serait-ce que pour l'exemple, mais c'était toujours un bon moyen pour passer le temps ! Sinon il y avait de beaux lieux où se promener, pour se divertir aussi, et pour travailler. Tant de choses qui finalement ne me suffisent pas. Cela fait deux années déjà que je suis enfermée dans cette ville et j'ai l'impression d'étouffer. J'avais, un peu comme la plupart des gens, imaginé que toute ma vie je ferais la découverte de nouvelles villes, de nouveaux pays, et que je partagerais la culture de plein d'autres peuples. Mais il n'en serait rien, je passerais le restant de mes petits jours ici. Autant les vivre au mieux, ce n'était pas non plus l'enfer, mais bien des choses n'avaient plus d'importance pour moi. Comme les études... J'étais plutôt bonne à l'école, mais j'ai arrêté le lycée. Je ne passerais jamais mon diplôme et je ne ferais jamais d'études supérieures. Je me trouverais un petit job dans un magasin, point. Adieu architecture, adieu tout mes projets et ceux que j'aurais put avoir;

Pour m'occuper, je n'avais trouver d'autre moyen que de me rendre dans cette salle d'entrainement. Je devais passer pour un soldat à toujours m'entraîner lorsque j'ai du temps à perdre... Mais justement, c'est ça qu'ils ne voyaient pas dans leurs caméras : je m'entraînais simplement parce que je n'avais rien de mieux à faire. Et puis cela entretenait la forme, me donnait plus de force même si sur le coup j'arrivais à m'épuiser jusqu'à cracher mes poumons. Toujours est-il que je passais pour une guerrière. Je n'en avais pourtant pas la carrure... J'étais assez petite, toute blonde, les cheveux souvent en bataille et avec plein de nœuds, je ne faisais même pas cinquante kilos et mes muscles avaient beau se développer avec les entraînement, ils n'en restaient pas moins ceux d'une petite jeune femme... Je n'attendais pas de métamorphose à la Hulk - quoi je ne sois plus à ça près - mais tout ça pour dire que malgré tous mes efforts, je ne changerais pas plus que mon corps ne me le permettra. Je ne savais même pas si j'avais le droit de me trouver ici. Mais personne ne m'avait encore arrêté alors j'estimais que oui. À moins qu'ils ne regardent pas les écran quand j'y apparais, c'est tout aussi possible. Ce bâtiment était sûrement celui où je m'étais le plus rendu depuis mon arrivée à Valencia. Et c'était de loin mon préféré. Les personnes que l'on y rencontre paraissent être des robots programmés par un gouvernement détraqué. Ce qui, en un sens, n'est pas si faux.

La salle était vide. Les lumières n'étaient pas allumées, la seule clarté du soleil suffisait à un éclairage décent. Il y avait, au fond à gauche, une sorte de pilonne de deux mètres avec comme des branches parallèles au sol allant du haut vers le bas, formant ainsi un escalier en colimaçon. Ces "branches" étaient entourées de mousse sous plastique pour que l'on ne se fasse pas trop mal au cas où l'on se raterait. Les branches devaient être des bras, des jambes, des armes que l'on met à travers nous, et le pilonne en lui-même était une personne. On l'imaginait comme cela. J'ôtai le tee-shirt que je portais, laissant alors apparaître une brassière de sport. Bien que cela n'avait rien de "sexy", je n'aimais pas me montrer ainsi devant les autres. Hormis les caméras que je ne pouvais débrancher, j'étais seule, alors cela me dérangeait moins. Pourquoi ne pas rester en tee-shirt dans ce cas ? Avez-vous déjà essayé de vous donner à 200% dans du corps à corps simulé avec un tee-shirt qui vous colle à la peau ? Avouez que c'est difficile. De plus, cela représente un biais à mon sens du toucher. Il est vrai qu'en combat réel, je n'aurais pas le privilège d'avoir la tenu adéquat, mais si on pouvait s'entraîner en de bonnes conditions, c'était bien mieux que de penser que peut-être il pourrait se trouver qu'un potentiel hypothétique combat puisse arriver par hasard dans un lieu divers à une heure aléatoire un jour ou un autre et que je ne sois pas apte à me battre parce qu'un tee-shirt me gêne. Je ne savais même pas pourquoi on devait s'entrainer... Contrôler nos pouvoirs, d'accord, mais se battre avec, ça me dépasser.

Cependant, cela m'occupait et me plaisait. J'étais plutôt douée. Je commençai à m'entraîner, donnant des coups peu denses dont la force était certaine mais que j'arrêtais juste avant de toucher la branche pour n'entrer en contact avec elle qu'au ralenti. J'observais chaque cellule qui me séparait de l'obstacle et analysais chaque information que je percevais en touchant le bois. J'avais enlevé mes gants, afin d'être la plus réceptive possible. J'effectuai un demi-tour, un tour entier, je passais entre les branches, frappais, esquivais. Mes mouvements étaient infinis mais les sensations répétitives, et plus je frappais, plus j'accélérais, tout en prenant soin de ne jamais frapper de plein fouet une branche. Il ne manquerait plus que je me fasse mal dans un entraînement de "loisir" ! J'allais vite, très vite, et même si mes mouvements semblaient hasardeux, j'avais toujours le temps de calculer chaque mouvements, de prédire le prochain et d'analyser le précédent. Je n'entendais plus rien, je ne voyais plus rien. D'ailleurs, mes yeux étaient fermés. Seul mon touché était en éveil. Le sens le plus développé que j'avais et le plus utile. Autant dire que si je venais à devenir aveugle, je ne serais pas perdue le moins du monde ! Mais un bruit aiguë me sorti de ma transe. Comme si on avait claqué quelque chose, quelqu'un. Je me cognai la tête, troublée, et ouvris les yeux en me tournant vers la source du bruit.

- Beverly ? Ça fait longtemps... Déclarais-je avec un petit sourire presque timide tout en m'écartant du pilonne.

Beverly était sûrement ma seule réelle amie. Je ne sais pas ce qu'elle avait de différent d'un autre pour que je l'apprécie elle et non quelqu'un d'autre, et je pense que la réponse est simple : on ne choisit pas toujours ses amis, on a ceux que l'on mérite. Bien que je ne pensais pas mériter une amie aussi chère qu'elle, je l'acceptais avec le plus grand honneur. Et puis, elle m'avait aidé lorsque je suis arrivée. Sans elle je pense que j'aurais forcé l'hôpital à agrandir son service psychiatrie ! Beverly était alors envers moi plus une grande sœur qu'autre chose. Je crois qu'elle représente en effet cette "autorité" de l'aîné que je n'ai jamais eu. L'aîné, celui que l'on admire. On prend exemple sur lui et on cherche même parfois à le dépasser. On y arrive ou non, cela dépend du tableau sur lequel on le défi. En tout cas, j'étais vraiment heureuse d'avoir Beverly auprès de moi. Dans toutes les situations, je savais que je pourrais compter sur elle.